Opération Barkhane : les bavures de l’armée française au Sahel.

Mali : Des voix s’élèvent contre les bavures de l’armée française au Sahel

Au Mali, les voix qui dénoncent la présence militaire française dans le pays se multiplient évoquant « une présence colonialiste » qui n’a nullement réussi à protéger les populations.

Le carnage enregistré dans la nuit de dimanche à lundi avec une centaine de civils tués dans des frappes aériennes de la force Barkhane n’a fait qu’amplifier le sentiment anti-français chez une population qui appelle depuis plusieurs mois au départ de cette force.

Cet incident n’est d’ailleurs pas le premier du genre. En effet, début septembre, un civil avait été tué par un soldat français à Gao.

Contrairement au dernier incident toujours nié par la France, celui de septembre a été reconnu par l’armée française comme « accidentel ».

Selon un communiqué publié après les faits par l’état-major français, les membres de la force Barkhane auraient procédé d’abord à des tirs de sommation, lorsqu’un bus roulant à vive allure avait refusé de ralentir.

Une version rejetée par le chauffeur qui a contesté avoir refusé de s’arrêter affirmant n’avoir « entendu que les tirs qui ont blessé trois personnes » et pas de tirs de sommation.

Le 23 octobre 2017, ce sont onze militaires maliens, détenus par un groupe terroriste, qui ont été tués lors d’une opération anti-terroriste de l’armée française dans le cadre de l’opération Barkhane.

Mercredi, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), regroupant les mouvements armés du nord du Mali, a accusé la force française Barkhane d’avoir interpellé un de ses responsables de la région de Ménaka dans le nord du Mali.

« La Coordination des Mouvements de l’Azawad informe l’opinion nationale et internationale que dans la nuit du 3 au 4 janvier 2021, un détachement de la force française Barkhane a encerclé le domicile de Monsieur Halatassane Ag Rhissa, notable et membre de l’Autorité intérimaire communale de Tidermene », a indiqué la CMA dans un communiqué consulté par l’Agence de presse Anadolu.

« Cette opération s’est soldée par son interpellation et le saccage de son domicile familial à Ménaka », a ajouté la même source.

Tout en condamnant « sans réserve ce énième acte d’humiliation visant des personnalités respectées par tous », la CMA a appelé « la force Barkhane à relâcher immédiatement M. Halatassane » et exigé « une réparation morale à l’endroit de l’intéressé ».

La CMA a aussi invité les différentes forces internationales présentes au Mali « à plus de retenue et de discernement pour ne pas se tromper d’ennemis et d’objectif ».

Le nombre de civils tués par la force française au Mali et dans toute la région du Sahel demeure toutefois difficile à établir en l’absence de données chiffrées précises, l’accès à certaines zones étant impossible et l’information à ce sujet quasi absente.

En 2014, la France a lancé l’opération militaire « Barkhane » au Mali dans le but « d’éliminer les groupes armés dans la région du Sahel ». 600 soldats supplémentaires ont été déployés en renfort en février 2020, suite au sommet de Pau, le 13 janvier dernier, portant les effectifs de la force Barkhane à 5100 soldats.

Comme dans les autres pays africains francophones, la présence des forces françaises est mal accueillie par une partie de l’opinion qui les assimile à des « forces d’occupation ».

Si la France évoque sa présence au Sahel comme une présence salvatrice contre le terrorisme et qui n’a pour vocation que la lutte contre l’insécurité dans la région, ses vraies motivations sont autrement plus sournoises, estiment des observateurs.

Une analyse publiée en juin dans la revue « Alternative libertaire » revient sur les dessus de cette présence et ses impacts sur la population locale.

L’auteur de l’analyse estime que « la routine meurtrière de Barkhane alimente le désir de vengeance. Et celui-ci progressera avec les victimes “collatérales” qui ne peuvent qu’augmenter depuis qu’en décembre 2019, Barkhane a armé ses drones de missiles ».

Il note, en outre, que cette présence peut constituer une motivation pour les jeunes de rejoindre les rangs des terroristes avec l’objectif séducteur du « combat anticolonial contre les croisés ».

« Depuis les indépendances, la France a voulu conserver son influence en Afrique », souligne encore l’auteur précisant qu’en mars 2020, selon les chiffres de l’état-major, 41 % des effectifs déployés l’étaient à l’étranger estimant que c’est une armée d’« opérations extérieures », c’est-à-dire une armée impérialiste

« Au Sahel, l’État français se présente en sauveur. La réalité est qu’il ne sauve pas la population et ne réduit pas la violence. Il ne sauve que les mines d’uranium et son statut d’État suzerain vis-à-vis de gouvernements vassalisés. Sa présence armée enferme l’Afrique de l’Ouest dans la dépendance, la maintient parfois sous la férule de dictateurs démoné­tisés, éloigne la possibilité de négociations de paix et, globalement, prolonge et aggrave une guerre sans fin », conclut enfin l’auteur de l’analyse.

Avec AA

Partager