Mali et France armée (Brahima TRAORÉ).

Le retrait des forces armées multicolores françaises du Mali : un bilan s’impose !

Il est de l’ordre normal des choses que la fin d’une mission donnée, en l’occurrence d’une opération militaire, laisse place à l’heure du bilan. Cette heure, en ce qui concerne l’intervention militaire française au Mali, a plus que jamais sonné d’une sonorité alarmante.

Bien évidemment, une décennie de présence militaire sur un territoire étranger exige, à tout le moins, qu’un compte en soit rendu et, au mieux, qu’une leçon en soit tirée.

Pour ce faire, il faut, de prime abord, entendre par forces multicolores françaises, les métamorphoses morphologiques des forces armées de la France sur le sol malien. Cet avatar protéiforme, propre à l’attitude naturelle d’un caméléon, s’il est loin d’être anodin politiquement, s’est avéré modique en termes de performances. Pourtant, on le sait, le jeu de métamorphose n’a jamais servi de point d’accélérateur, encore moins d’échappatoire pour le caméléon. Alors, il ne pouvait en être autrement pour une opération militaire.

Précisons-le, le bilan dont il est question ici ne consiste pas à dresser un tableau de la quantité d’attaques menées ou subies, du nombre de morts et de blessés, du total d’emprises terroristes détruites par l’armée française. Loin s’en faut ! Une telle démarche, à notre sens, est de nature réductrice, partielle et partiale. C’est pourquoi il s’agit de tirer un bilan à l’aune des objectifs ayant guidé les opérations militaires françaises au Mali.

Ce faisant, on note que l’origine de l’intervention armée française au Mali provient d’une lettre de sollicitation d’assistance, adressée au président français d’alors par son homologue malien de transition de l’époque. Les termes de ladite lettre sont clairs quant à l’objectif de l’intervention sollicitée : « Une intervention aérienne consistant à fournir un appui renseignement et un appui feu au profit des troubles maliennes » (voir paragraphe 2 de la lettre du 09-01-2013). En dépit du caractère limpide de la terminologie et de l’esprit de cette lettre, l’intervention donna lieu, on ne sait comment et pourquoi, à une opération militaire terrestre, baptisée Serval.

L’avènement de l’opération Serval visait à : arrêter l’avancée du terrorisme vers le sud et le détruire ; restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national ; faire appliquer les résolutions des Nations Unies (lesquelles autorisaient l’emploi de la force armée contre le terrorisme). Si l’opération, dans un premier temps, a effectivement stoppé l’avancée terroriste vers le sud du pays, il n’en reste pas moins que l’autorité de l’État n’ait pu se restaurer sur l’ensemble du territoire : la fameuse question de Kidal en dit long, où l’armée malienne a été interdite d’y accéder par la France ; elle qui était censée jouer le rôle de facilitateur. Cette opération a eu un goût d’inachevé, ouvrant par-là même la boîte de Pandore au Mali.

Conséquences, des pans entiers du territoire national sont exclus du contrôle de l’État et laissés à la merci des groupes rebelles et terroristes. Ces parties ont servi de point de repli tactique pour les groupes fossoyeurs de terreurs et d’exactions horribles. En effet, ils s’y sont regroupés, préparés et fortifiés avant de relancer les offensives asymétriques multiformes en divers endroits du Mali.

Quant à l’opération Barkhane, son objectif était de : contenir le terrorisme ; aider à la montée en puissance de l’armée malienne ; aider les populations civiles. Cette opération, contre toute attente, a produit l’effet contraire. Au lieu que le terrorisme soit contenu, il a été propagé, au point de s’exporter dans des pays voisins. La montée en puissance de l’armée malienne est restée au stade théorique, notamment avec des formations sporadiques en l’absence de moyens matériels subséquents. Dans la pratique, elle a été entravée par la France, si bien qu’elle empêcha la livraison de matériels militaires achetés par le Mali auprès de l’Espagne et des États-Unis.

En ce qui concerne l’opération Takuba, elle est plutôt une européennisation de l’intervention armée française au Mali. En d’autres termes, elle servait de base à l’entrée des alliés européens de la France, en plus du Canada, dans la danse d’une pseudo lutte contre le terrorisme au Mali. L’objectif inavoué est perceptible : mettre les alliés européens devant le fait accompli et donner un gage de légitimité à l’opération militaire française au Mali, afin qu’elle ne soit taxée d’opération d’occupation impérialiste. Mais c’était trop tard, car les intentions inavouées de la France étaient désormais connues du grand public, au point de nourrir un sentiment anti-politique française.

En définitive, une décennie de présence militaire française au Mali n’a été ni plus ni moins qu’une grande montagne qui a accouché d’une maigre souris.

TRAORÉ Brahima,
natif de Tienkoungo (Mali),
Juriste publiciste à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal)

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