Viol sur une femme.

Viol et duplicité ambiante : gare aux machinations ! (Par M. W. Touré)

Une interrogation, comme dit l’autre, n’est jamais neutre. Ni innocente ! Elle induit toujours d’une manière implicite ou explicite une réponse. Toutefois, dans le cas d’espèce, je n’ai réponse à rien. Je m’interroge et cherche à comprendre un phénomène qui a fini de cristalliser l’attention des Sénégalais, toutes couches sociales confondues depuis quelques temps. Au fait, le viol existe ! J’ai été témoin oculaire étant enfant avec quelques-uns de mes camarades d’une agression sexuelle dont fut victime une de nos condisciples. A midi, notre enseignant nous avait libérés tout en retenant dans la classe une créature à l’élégance raffinée malgré son jeune âge. Et ce qui ne devait pas arriver est arrivé hélas ! On n’a pas besoin de dessins pour comprendre. La malheureuse fille sortit de la classe en claudiquant.

Alerté, son grand frère, un militaire, vint trouver l’enseignant fautif à l’école. Ce qu’ils se sont dits, Dieu seul le sait ! Mais, de notre poste d’observation, nous avons vu notre maître sortir et revenir les bras chargés de victuailles. Lesquels produits ont été remis au frère de la fille dont le corps avait été souillé. L’affaire s’était arrêtée là ! Elle n’a pas connu d’autres développements. Hélas pour cette fille qui a certainement vécu le restant de sa vie un traumatisme qu’elle aura du mal à gérer et à évacuer. Nous serions plus responsables et avisés à cette époque-là, il y a de fortes chances que les choses ne se dérouleraient pas comme elles l’ont été. Si j’ai tenu à rappeler cette histoire, c’est pour montrer qu’effectivement des détraqués sexuels existent un peu partout, et sont prêts par tous les moyens à assouvir leur libido difficilement maîtrisable. Car le viol est un crime abominable, inexcusable. Pas un homme censé ne peut cautionner l’acte une D’ailleurs, celui-ci suscite la réprobation universelle. Ces précisions faites, une question me vient aussitôt à l’esprit : dans la société sénégalaise malade, gravement malade au point où tous les ressorts moraux et psychologiques qui soutenaient l’édifice social tiennent difficilement, il y a de fortes possibilités que des hommes et femmes instrumentalisent la question du viol par méchanceté, jalousie, cupidité, vénalité, esprit de vengeance pour détruire quelqu’un. La probabilité qu’on en arrive là est grande ! Très grande même !

D’où cette interrogation : certaines accusations de « viols » ne relèveraient-elles pas de complots savamment orchestrés ?

La question est intéressante à plus d’un titre. Mais avant d’aller plus loin, il serait utile de faire un zoom sur le phénomène du viol. Le viol peut être défini comme l’action d’avoir des relations sexuelles, quelle qu’en soit la nature, commise par usage de la force ou sous la menace, contre la volonté de la victime. C’est donc l’usage de la force envers une victime non consentante qui fait de l’agresseur un violeur. Ou alors, on peut définir le viol comme étant constitué par tout acte sexuel non consenti. Qu’en est-il alors du viol dans un pays comme le nôtre ? Dans le défunt magazine Nouvel Horizon, numéro 650 du 05 au 18 Décembre 2008, on lit ce qui suit : « Au Sénégal, une femme est violée chaque jour. Et environ 400 cas ont été enregistrés l’année dernière, selon le Groupe de recherche et d’action contre les violences faites aux femmes et aux enfants (Grave). » Tout cela pour dire que le phénomène est bien réel.

Seulement, je dis … ATTENTION : ce ne sont pas toutes les accusations de viol qui méritent qu’on s’y attarde pour la bonne et simple raison que certaines sont totalement fantaisistes. On me dira : Madi, vous n’y allez pas trop loin en soutenant cela ? A quoi je répondrais Non ! au motif que notre société est fondamentalement déglinguée ! Une chose est sûre : tout le monde s’accorde à dire que notre société n’est plus ce qu’elle était. A titre d’illustration, on peut citer moult exemples. Je n’en citerai qu’un seul. De nos jours, il est possible de « louer » des vieillards- — des vieillards, tu parles, Madi !!!??? — oui des vieillards et là je persiste et je signe. On peut donc s’offrir les services de ces hommes et femmes censés incarner la morale et la sagesse la plus haute pour leur faire dire tout ce qu’on veut moyennant espèces sonnantes et trébuchantes. De leur part, vous pouvez avoir tous les témoignages que vous voulez, y compris les plus inimaginables, à condition d’y mettre le prix.

Quand une société en arrive là, y’a de quoi se poser des questions !

Lisons à ce sujet ces mots sublimes et qui défient le temps de ce savant sénégalais, M. ASD, historien-sociologue, décédé récemment à l’âge de 83 ans que Dieu ait pitié de son âme. L’homme était d’une bonté sans fard et d’une générosité intellectuelle qui forçait le respect. Voici son explication des raisons qui nous tirent vers le bas : « En effet, on ne peut nier que dans le monde contemporain, la conduite et les comportements des hommes dans toute société, quelle qu’elle soit, obéissent à un déterminisme que suscite et entretient la volonté politique de ceux qui ont la responsabilité des destinées de cette société.

De façon plus évidente, quand les responsables politiques et moraux d’une société assument pleinement leurs responsabilités vis-à-vis de cette société et de ses différentes composantes, celles-ci et celles-là reflètent, immanquablement, ce que sont ces responsables. Bien sûr, si ces responsables agissent dans l’assomption de leurs responsabilités de façon négative, à terme la société et ses composantes se négativisent. Inversement quand ceux-là le font de façon positive, la société et ses composantes reflètent la positivité de leurs responsables. » (In Les valeurs traditionnelles sénégalaises et le problème de leur intégration dans les systèmes modernes d’éducation, Ethiopiques, 1981). Cette appréciation qui date de 1981 est le reflet fidèle de notre réalité existentielle. Ce discours de ASD qui sonne éminemment juste se situe dans le même sillage que celui de Mamadou Mbodj (MB), psychologue-clinicien. Ce dernier, avec un regard perçant, pénètre les profondeurs de la société sénégalaise avec un diagnostic révélateur de ses dysfonctionnements graves.

Voici ce diagnostic de MB : « Et il n’est pas besoin d’être psychologue ni sociologue pour constater que l’immobilisme, l’improvisation, la gestion au jour le jour des affaires, l’insouciance, la mollesse, la passivité, la malhonnêteté, la mauvaise foi, la paresse, l’attentisme, le manque d’engouement pour le travail et le travail bien fait, la cupidité, l’insolence, l’incivisme, l’opportunisme, l’indiscipline, l’ostentation insolente et j’en passe, sont encore très répandus chez nos compatriotes sans que cela paraisse gêner outre mesure, voire indisposer beaucoup de monde. » (In Ndiaye, Malick. 2003, Le mal sénégalais : cultures ceddo, incivisme, jumblang, masla, violences et autres, Dakar : Présence Chrétienne. Les réflexions de ces deux éminentes personnalités, bien que se situant dans des séquences temporelles différentes, n’en disent pas moins la même chose. Au fait, une société fonctionnant sur le registre de la malhonnêteté criarde et à tous les niveaux, est vouée à la perdition. Compte tenu de ce qui précède, il y a urgence de traiter avec prudence et circonspection la question relative au viol. Mandats de dépôts et condamnations à la va-vite doivent céder la place à une démarche qui privilégie l’investigation sérieuse sous la forme d’une rigoureuse instruction à charge et à décharge sinon il y a risque de passer à côté de la vérité avec des dommages incommensurables pour les personnes accusées de ce crime. Juges et agents ou officiers de police judiciaire doivent se rendre à l’évidence que la société – leur société – a changé !

Cette nouvelle réalité qui est là, prégnante, doit les amener à plus de prudence et de vigilance. Dans les affaires de viol, il y a nécessité vitale de faire une enquête de personnalité approfondie sur l’accusé et l’accusatrice. Cette possibilité donnée à des experts attitrés pour se prononcer sur la personnalité des uns et des autres, aura le mérite de faire découvrir certains pans cachés de la psychologie de l’homme comme de la femme. Au demeurant, la question du viol n’est pas si simple. Elle l’est davantage dans une société comme la nôtre où tout est sens dessus dessous. Chacun peut se retrouver demain dans la posture d’un accusé de viol. Ce n’est pas une vue de l’esprit ! Dans son mémoire de fin d’études de premier cycle (ENTSS, année académique 2013-2014) consacré à la thématique suivante : « Vécu psychosocial des personnes accusées de viol relaxées au bénéfice du doute » Rokhaya Mbaye, installée actuellement en France, rapporte des situations qui font froid au dos : « S’agissant de l’accusation de viol, nous pouvons dire que toutes nos cibles ont été relaxées au bénéfice du doute pour défaut de preuves. Toutes mes cibles ont affirmé ne pas connaître leur accusatrice et se disent être victimes d’une machination dont les raisons sont diverses. »

Au terme de cette pérégrination sur un sujet aussi délicat que le viol, il y a impérieuse nécessité de refonder notre société sur les valeurs de vérité et de justice. Le psychologue Serigne Mor Mbaye n’a pas tort de réclamer à cor et à cris un « ndeup national » depuis de longues années. En attendant qu’on y arrive que ceux ou celles qui sont investis de pouvoir sachent une chose : « ils seront jugés ». Ici-bas d’abord ! Dans 10, 20, 100, 1000 ans, on parlera d’eux dans les livres d’histoire et dans les réseaux sociaux. Que chacun y pense et en permanence ! Vivement que notre société retrouve cette boussole morale qui lui manque terriblement !

Madi Waké Touré

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