Après l’avenue Faidherbe au centre-ville de Dakar rebaptisé, fin octobre 2023, au nom du Président Macky Sall, le chef de l’Etat a également vu, début décembre, un boulevard à son nom à Diamniadio, la nouvelle ville. A chaque fois, Macky Sall a présidé la cérémonie pour exprimer sa satisfaction. « Je me sens fier et honoré de voir cette avenue, l’une des épines dorsales de la ville de Dakar, porter mon nom ! », disait-il à Dakar Plateau.
« Vous pouvez aisément deviner la joie qui est la mienne de voir mon nom attaché à une artère qui croise l’avenue dédiée au père de la Nation que fut Léopold Sédar Senghor », ajoutait-il à Diamniadio.
Et comme si cela ne suffisait pas, le centre hospitalier régional de Fatick porte désormais le nom de la première dame, Marième Faye Sall. La cérémonie a eu lieu, hier lundi 8 janvier, à l’occasion du lancement du Festival national des arts et de la culture (Fesnac) à Fatick. Et c’était encore sous la présidence de Macky Sall qui cette fois-ci, à défaut de de s’autocélébrer, a décidé de fêter sa femme.
La question se pose maintenant est de savoir où s’arrêtera cette liste et quel est le côté éthique et moral de ces décisions. Rappelons que ces mesures sont prises par des ministres qu’il a nommés ou les maires de son camp.
Certes, en tant que chef de l’Etat, ayant donc occupé la plus haute fonction du pays, la République lui doit reconnaissance. Cependant, il n’appartient pas à un président en exercice de s’auto-glorifier, de s’honorer. C’est le rôle de la postérité.
Il aurait été plus sage et plus humble de la part de Macky Sall de déconseiller à ses partisans d’aller dans ce sens, de refuser la tentation afin de laisser l’histoire faire son travail. Aujourd’hui, le Sénégal compte pas mal d’institutions et d’infrastructures au nom des anciens chefs d’Etat, de figures intellectuelles ou politiques, de guides religieux, de sportifs. Mais cette attribution n’a pas été faite du temps où ils étaient aux affaires.
L’Université de Dakar a pour parrain Cheikh Anta Diop dont le centenaire de la naissance a été vivement célébré. Pourtant, ce savant sénégalais a été rudement combattu par Senghor, mais son œuvre l’a porté au pinacle. L’Aéroport de Yoff porte le nom de Léopold Sédar Senghor, de même que le stade Amitiés. Le centre de conférence est au nom d’Abdou Diouf. Le building administratif rebaptisé au nom de Mamadou Dia et le stade de Diamniadio porte le nom d’Abdoulaye Wade. La plupart de ces décisions sont d’ailleurs prises par le président Macky Sall.
Si lui est capable de rendre hommage à ses prédécesseurs, qu’est-ce qui empêcherait son successeur proche ou lointain de lui rendre la pareille ? Pourquoi donc se précipiter ? Léopold Sédar Senghor pouvait bien s’attribuer l’avenue Roume avant son départ du palais. Mais il a laissé la postérité s’en charger. Abdou Diouf pouvait choisir un boulevard à son nom, il ne l’a pas fait. Idem pour Abdoulaye Wade.
Au moment où ces présidents quittaient le pouvoir, il y avait sans doute des maires et ministres de leur camp disposés à leur faire plaisir ou à exprimer leur attachement à leur personne. Mais ils ont tous compris que l’hommage est plus beau quand celui qui vous le rend n’attend plus presque rien de vous. Il le fait par reconnaissance pour le passé et non par intérêt pour le présent ou le futur.
Cet hommage est d’autant plus beau que celui qui le reçoit est hors de soupçon, car il n’a plus aucun moyen de pression ou de récompense. Le Cesti au nom de Mame Less Camara pour ce qu’il représente pour la presse, la maison de la presse au nom de Babacar Touré. Voilà les bons exemples. Mais aussi les Universités Amadou Mahtar Mbow ou Cheikh Hamidou Kane, car l’hommage n’est pas que posthume, il faut savoir honorer la personne de son vivant.
Si donc Macky Sall est sûr d’avoir bien travaillé, d’avoir marqué les esprits dans le bon sens, il n’a pas à se précipiter, son heure viendra tôt ou tard comme il l’a fait pour Abdoulaye Wade et Abdou Diouf. Si son épouse a bien servi le Sénégal, l’histoire lui rendra sa monnaie. Et l’hommage sera d’autant plus beau que l’opinion aura fini d’apprécier leurs actions à leur juste valeur.
Avec Seneweb