canalactu urgence

L’Union européenne face au cynisme de Boris Johnson

Le premier ministre britannique a présenté, lundi 13 juin, un projet de loi qui remet en cause le « protocole nord-irlandais » contenu dans l’accord sur le Brexit signé avec l’UE. Les Vingt-Sept doivent s’opposer fermement à ces manœuvres destinées avant tout à faire oublier les déboires intérieurs de Boris Johnson.

Habituelle, la manœuvre n’en est pas moins détestable. A chaque déconvenue en politique intérieure, Boris Johnson dégaine son arme ultime, le conflit avec l’Union européenne (UE), destinée à mobiliser ses partisans et à détourner l’opinion britannique de ses propres turpitudes. En témoigne la présentation, lundi 13 juin, au Parlement de Westminster, d’un projet de loi supprimant des pans entiers du « protocole nord-irlandais », une partie sensible de l’accord sur le Brexit de 2019 avec l’UE.

Alors qu’il a lui-même paraphé ce traité international, le premier ministre britannique le remet en cause unilatéralement sur des points cruciaux. Le « protocole » vise en effet à concilier deux objectifs : maintenir une Irlande sans frontière afin de garantir la paix sur l’île, et éviter que l’Irlande du Nord ne devienne un sas d’entrée frauduleux dans le marché unique européen. Pour ce faire, l’Irlande du Nord a été dotée d’un statut mixte : la province a été maintenue à la fois dans la zone douanière britannique et dans le marché unique de l’UE. Pareil arrangement suppose des contrôles douaniers et sanitaires entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord. Une contrainte que rejette le DUP, parti unioniste nord-irlandais allié de Boris Johnson, dont les élus refusent de siéger au gouvernement local de Belfast tant que le « protocole » avec l’UE n’est pas abrogé.Mandat en périlPour les satisfaire, M. Johnson veut faire approuver une loi qui supprime les contrôles pour les marchandises venues de Grande-Bretagne mais destinées à l’Irlande du Nord. Il souhaite aussi retirer aux Vingt-Sept le contrôle sur les aides d’Etat et la TVA dans la province. En outre, le texte retire à la Cour de justice de l’Union européenne le rôle d’arbitre en cas de conflit.Les motivations avancées par le gouvernement Johnson – le « protocole » aurait déstabilisé le pays – sont peu crédibles : non seulement l’Irlande du Nord jouit d’une meilleure santé économique que le reste du royaume grâce à son statut privilégié, mais la majorité des députés nord-irlandais récemment élus défendent le « protocole » .

En réalité, le premier ministre cherche à faire diversion, quelques jours après que 41 % des députés de son propre parti lui ont refusé la confiance, mettant en lumière la division des conservateurs et affaiblissant sa propre position. Visé par une enquête parlementaire sur ses éventuels mensonges aux députés à propos des réceptions arrosées de Downing Street pendant le confinement, M. Johnson sait son mandat en péril. Le sort du projet de loi présenté aux Communes est d’ailleurs incertain : il pourrait être rejeté par la Chambre des lords, dont bien des membres estiment qu’il compromet la réputation de la signature internationale du Royaume-Uni.

Dans un tel contexte, l’Union européenne, dont les offres de compromis ont été repoussées, ne doit pas faiblir. La procédure d’infraction visant Londres, ouverte en 2021 mais suspendue pendant des négociations infructueuses, doit être relancée. L’éventualité de mesures de rétorsion douanières ne doit pas être écartée. Les Vingt-Sept doivent continuer de garantir la paix en Irlande. Ils ne peuvent accepter que le Brexit conduise à créer, en Irlande du Nord, une brèche dans le marché unique, l’un des fondements de l’Union.

Que Boris Johnson joue la carte du conflit avec ses voisins au moment où le retour de la guerre sur le continent exige une solidarité européenne sans faille donne la mesure de son cynisme et du risque d’isolement qu’il fait courir au Royaume-Uni.

Avec Le monde

Partager