Le Président Macky SALL, dans son message à la nation du lundi 03 juillet 2023, a annoncé sa décision — qui n’est pas l’expression de son fameux code d’honneur mais plutôt la manifestation d’un bras politiquement et socialement tordu — de ne pas briguer illégalement et illégitimement un troisième mandat. La presse sénégalaise, comme à l’accoutumée, s’est précipitée à l’inonder d’éloges flagorneurs, sans même s’interroger sur les réelles motivations de la décision de cet homme politique si imprévisible et énigmatique. Certains mêmes sont allés jusqu’à le présenter comme un modèle d’homme politique à suivre. Voire ! Le périodique « L’Observateur » s’est même aventuré dans les dédales et les labyrinthes de cette aventure. Appesantissons-nous sur cette flagornerie médiatique !
Pour les modèles d’homme politique dont nous avons besoin pour relever nos défis économiques, politiques et sociaux, le profil de Macky SALL est le plus indésirable qu’il puisse y avoir. Cet homme politique d’une ingéniosité exceptionnelle en micmacs politiciens a montré au peuple sénégalais que, dans sa conception de faire de la politique, toutes les règles morales et éthiques sont conjurées. Il n’y a pas de morale. Il n’y a que la fin qui doit justifier tous les moyens employés pour y parvenir. Dans sa quête et sa préservation du pouvoir, tous les hommes qui l’ont aidé ont fini par vivre le calvaire dans son régime. Khalifa SALL, maire de Dakar en 2012, l’a significativement aidé dans sa courte marche vers le pouvoir ; Karim WADE, en bon Prince des WADE, a tout fait pour qu’il soit nommé premier ministre en faisant pression sur son père, Me Abdoulaye WADE. Et, en politique, comme disait Souleymane Jules DIOP, ce sont les fonctions qui forgent les ambitions. Premier ministre… Pourquoi pas Président de la République ?
Il n’est pas question d’affirmer, si on veut parler vrai, que ces hommes politiques ont été innocents pour les faits qui leurs étaient reprochés durant leurs extraordinaires procès respectifs mais, au regard de l’acharnement judiciaire dont ils étaient victimes, il est fort probable que le Prince SALL a activé le levier judiciaire pour éliminer, au mépris des règles morales et démocratiques, de subversifs adversaires politiques. Il y a des relations humaines qui dépassent les dorures et les lambris du pouvoir. Pour lui, par contre, il n’y a que le pouvoir et ses fastes qui comptent. Rien d’autre.
Le Président Abdoulaye WADE, qui est, en réalité, son père spirituel car l’ayant appris tous les maquignonnages et les arcanes de la politique, n’a pas eu le privilège de contempler, avec quiétude et fierté, le sacre présidentiel de son ancien protégé. Pire, il a été traumatisé et même humilié, en sa qualité d’ancien président des destinées de ce pays, avec les foisonnantes injustices que les nouveaux tenants du pouvoir, harangués par son ancien élève devenu maître, ont arbitrairement infligé à son fils. Au-delà même de la politique, dans nos cultures, une personne âgée est traitée avec déférence et considération. Parce que, dit-on, l’épilogue de son séjour sur terre est à l’horizon. Elle mérite un traitement adéquat, à fortiori pour un ancien chef d’État. Macky SALL a sciemment ignoré cette norme sociale pour ses ambitions politiques démesurées et dévergondées. Présenter le Président Macky SALL comme un exemple d’homme politique à suivre pour les futures générations est un « crime historique. »
Dans la gouvernance de Macky SALL, nous avons aussi remarqué qu’il nourrit une aversion particulière contre la technocratie. Les technocrates, dans son régime, n’ont pas été les mieux servis en strapontins et privilèges. Pour être nommé dans les hautes sphères de son gouvernement, il faut indispensablement détenir un grenier politique solide, susceptible de pourvoir des voix conséquentes pour les joutes électorales. Les membres du gouvernement sont obligés, pour conserver leur poste, d’avoir des bases politiques en mesure de participer et de gagner des élections. Les différents gouvernements de Macky SALL ont été fortement marqués et ankylosés par une prestance de la politique, qui a substantiellement détourné l’équipe gouvernementale de ses ambitions primitives. La fonction politique est, dès lors, hissée au-dessus de celle technique. C’est ce qui a été à l’origine de la défenestration de nombreuses bonnes têtes qui ont commis une seule faute inexpiable : êtres incapables de gagner les élections de leurs localités respectives.
Les années Macky SALL ont été surtout marquées par des reculs démocratiques sans précédent. Notre contrat démocratique a subi d’innombrables actes codicillaires. « Le fils du berger et de la vendeuse de cacahouètes » (Cheikh Yérim SECK), qui a une énorme dette à rendre à la démocratie, n’a, paradoxalement, pas le sens et l’instinct de la démocratie. Il ne supporte pas « la gamme des emmerdements » (pour reprendre les mots du politologue Babacar Justin NDIAYE) qui accompagne la démocratie. C’est ce qui l’a amené à peaufiner de nombreuses chausse-trappes pour les opposants qu’il a subodorés nuisibles à son très « quadrillé » fauteuil présidentiel. Certaines de ses chausse-trappes ont attrapé et écarté les cibles voulues, d’autres, malheureusement/heureusement, confrontées à de vives contestations populaires stimulées par une prise de conscience de ses machinations, ont foiré sur l’autel d’une haute surveillance de nos valeurs démocratiques. Qui plus est, le règne de Macky SALL est celui de toutes les impunités et les arrestations sempiternelles d’opposants, politiquement justifiées aux dépens de l’indépendance de la Justice.
Somme toute, au regard de ces illustrations factuelles non exhaustives qui viennent d’être citées, le Président Macky SALL ne saurait être, en aucun cas, contrairement à ce que les médias tentent de nous faire croire, un exemple d’homme politique à suivre pour les futures générations. Il appartiendra donc à chaque sénégalais de se faire sa propre idée sur les années Macky SALL. A-t-il réussi à atteindre des croissances économiques exceptionnelles porteuses de progrès économiques et sociaux ? A-t-il renforcé ou affaibli notre édifice démocratique ? A-t-il fait reculer la pauvreté endémique et amélioré les conditions de vie des sénégalais ? Nos deniers publics, sous son magistère, ont-ils été bien gérés ou détournés vers d’autres fourre-touts personnels ? Se conformer à la Constitution fera-t-il de lui un héros à honorer malgré ses nombreuses incartades politiques, économiques et sociales… ? C’est à chaque sénégalais de déterminer, dans son cœur et dans l’histoire, la place de « celui que personne ne voyait venir. » (Cheikh Yérim SECK).