Au Sénégal, il a fallu attendre que les cas communautaires pullulent pour que les autorités sanitaires reconnaissent la dimension communautaire de l’épidémie à coronavirus. Ainsi préconisèrent-elles l’engagement communautaire pour venir à bout de ce virus.
Le gouvernement et les autorités sanitaires, s’appropriant seuls la lutte dès le début, ont mis du temps à adopter cette stratégie alors que l’expérience a permis de montrer que pour vaincre une épidémie il faut d’abord privilégier la responsabilisation des communautés en attendant de trouver un traitement médical curatif ou préventif comme le vaccin afin de la stopper. En plus de ce retard, la lutte par l’engagement communautaire ne semble pas produire un effet reluisant parce que les communautés ne se sont pas toujours appropriées la lutte contre le covid-19. Cet échec est principalement lié au choix presqu’imposé des acteurs pouvant porter la dynamique communautaire qui devraient être, par excellence, des leaders LÉGITIMEMENT reconnus par leurs communautés.
Le fait de désigner pour les communautés des leaders qui seront en première ligne dans la sensibilisation pour le respect des mesures barrières trahit en fait le principe même de l’engagement communautaire. En effet n’est leader communautaire qui veut.
Que l’on soit relai communautaire, «badjénou gokh», président d’Asc ou même imam, on ne pourrait être influent positivement que si la communauté à laquelle on appartient nous reconnaît cette capacité d’influence.
Par conséquent, l’absence de légitimité chez de supposés leaders communautaires empêchera ce déferlement général et spontané caractéristique de l’engagement communautaire qui, en réalité, se verra supplanté par ce qu’on peut appeler la mobilisation sociale.
Voilà la bévue qui pourrait être, si elle se répète, rédhibitoire pour la campagne de vaccination.
Le choix de se faire vacciner est individuel et non obligatoire. À cet effet, le grand dada des autorités sera donc de trouver une stratégie de communication qui permettra de susciter cette décision personnelle qui serait, par ailleurs, une preuve de citoyenneté.
Pour y parvenir efficacement, il faudra d’abord comprendre les déterminants de l’acceptabilité vaccinale qui peuvent se décliner en deux niveaux:
-Sur le plan cognitif ou psychologique, la littérature scientifique a montré de manière
convergente que la décision vaccinale résulte le plus souvent d’un
arbitrage intuitif entre les risques et les bénéfices perçus chez les individus concernés par la vaccination.
Les risques perçus concernent les effets secondaires potentiels (documentés ou imaginaires) des vaccins, mais aussi leur coût (temps,argent,douleur,etc.).
Les bénéfices perçus sont liés à l’efficacité et à l’utilité perçue de
la vaccination en question.
-Au niveau social, deux principaux phénomènes permettent d’expliquer la multiplication des controverses autour des
vaccins et des campagnes de vaccination:
Le premier résulte d’une crise de confiance croissante vis-à-vis
des pouvoirs publics en général et des autorités sanitaires en particulier.
Le second procède de la transformation radicale du «marché» de l’information liée à l’émergence des médias électroniques.
La conjugaison de ces deux phénomènes facilitent la propagation
rapide de rumeurs et d’informations fausses ou invérifiables dans
l’espace public (notamment de nombreuses théories
conspirationnistes).
Au vu de ces paramètres-à prendre en compte-au niveau social, surtout le premier relatif à la rupture de confiance, les gouvernants doivent s’évertuer, au plan communicationnel, à amoindrir les réticences liées à la vaccination au covid-19. Pour ce faire, une décision éventuelle du président Macky Sall de procéder par une sensibilisation calquée sur la pédagogie par l’exemple, en se proposant d’être le premier sénégalais à se faire vacciner, est certes une condition nécessaire, mais pas suffisante pour une sensibilisation optimale à la vaccination.
D’autant plus qu’il s’avère que la confiance institutionnelle est tout aussi difficile à acquérir que facile à perdre. Au delà de la personne du chef de l’exécutif et de l’institution qu’incarne le président, c’est la classe politique de façon générale, celle représentée par la majorité présidentielle en particulier, qui souffre d’une véritable crise de confiance accentuée par la gestion non moins absconse de la crise sanitaire, économique et sociale.
Somme toute, cette catégorie d’acteurs ne tire pas assez de confiance et de légitimité du peuple pour pouvoir l’exhorter à se vacciner.
Ainsi urge-t-il, pour les autorités sanitaires et étatiques, de jeter leur dévolu sur des personnalités publiques influentes, détentrices d’une LÉGITIMITÉ populaire inamovible, pour sensibiliser à la vaccination en se faisant vacciner publiquement.
Elles sont à chercher dans le monde de la culture, dans la société civile et même chez une classe politique révolutionnaire pour qui la jeunesse, souvent anti-pouvoir, a une sympathie qui se cristallise davantage.
Mais elles se trouvent surtout dans les foyers religieux, qu’elles soient autorités morales (khalifes généraux) ou pas.
À titre d’exemple empirique, Seydi El Hadj Malick Sy avait réussi, pendant l’épidémie de la peste, à dissiper les craintes des populations à l’égard du vaccin contre ladite épidémie en le prenant.
Pour retrouver le sursaut national né de l’apparition de l’épidémie au Sénégal, cette stratégie qui, peut-être, s’arcboute sur la politique nationale de vaccination contre le covid-19 conçue par l’Etat, doit être mise en branle à l’échelon national comme local.
Le gouvernement aurait donc du pain sur planche puisqu’il devrait, d’ores et déjà, s’occuper à identifier et à convaincre les Sénégalais qui ont une légitimité populaire, leur conférant la capacité d’influer positivement leurs compatriotes, donc de les inciter à prendre le vaccin contre le covid-19, en montrant le chemin publiquement.
Ma Serigne DIEYE, étudiant en Sociologie.