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Mbour 4 : tour d’horizon de la législation afin de comprendre la faute.

La question foncière a toujours suscité un intérêt particulier. Cela ne date pas d’aujourd’hui, surtout lorsque l’aveu de taille nous vient même du palais avec le Président qui disait que la quasi-totalité des dossiers qu’il reçoit sont des litiges fonciers. Cette question sensible engluée dans un pilotage peu reluisant et marqueur de pratiques malsaines accentue les risques d’implosion (Fanaye, Ndengleer, Casamance…)
La terre est un enjeu incommensurable tant pour un particulier et les personnes morales de droit privé, que pour les collectivités étatiques et territoriales. En effet son utilisation respectueuse de la loi permet non seulement de garantir la paix sociale et la stabilité et crée un climat des affaires propice aux investissements nationaux et étrangers.

Au Sénégal, très tôt l’Etat a pris les devants en mettant en place un cadre juridique qui fût une révolution. Il s’agit de la loi N°64 du 17 Juin 1964 relative au Domaine Nationale.
Cette loi, en son article 2, précise que l’Etat détient les terres du domaine national en vue d’assurer leur utilisation et leur mise en valeur rationnelles, conformément aux plans de développement et aux programmes d’aménagement. Ainsi elle donne à l’Etat les pleins droits dans la gestion des terres avec comme objectifs de lui permettre de mettre en place des projets d’intérêt collectif ou national.
Afin de mieux organiser ces terres tant dans l’occupation que dans la gestion, le législateur a bien voulu intégrer une catégorisation de ces terres pour des usages différents. C’est en lisant l’article 4 de cette même loi que l’on apprend la classification des terres du domaine national en catégories : les zones urbaines, les zones classées, les zones des terroirs et les zones pionnières.
La zone objet de notre intervention est la zone classée. Elle est définie dans l’article 6 qui stipule que les zones classées sont constituées par les zones à vocation forestière ou les zones de protection ayant fait l’objet d’un classement dans les conditions prévues par la rég1ementation particulière qui leur est applicable. Elles sont administrées, conformément à cette réglementation.
Pour aller plus loin, il est intéressant de visiter la loi 98-164 du 20 Février 1998 portant code forestier. L’article R.38 autorise l’Etat de procéder au classement de zones naturelles afin de les sauvegarder pour l’intérêt général.

Ce round-up de la loi permettra peut-être de mieux appréhender le cas de Mbour 4 extension qui n’est que la face visible de l’iceberg de tous les problèmes liés au foncier au Sénégal.
Des populations ont assisté sans moyens de défense à la destruction de leurs maisons par la Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols (DSCOS). Les sénégalais ont montré la grandeur de leur humanisme dans la défense de la dignité des familles concernées par la destruction.
Par besoin de sécurité, des familles ont réalisé des économies afin de bénéficier d’un droit social estampillé dans la constitution sénégalaise en son article 8 (le droit de propriété).
Une parcelle de terre à usage d’habitat est obtenue par l’achat ou par une lettre d’attribution dans un lotissement suivi et réalisé par les services techniques de l’Etat dont le cadastre, l’urbanisme, etc….

Dans les faits, tout serait parti d’un lotissement réalisé sur 92 ha (920000 m²) dont 67 ha ont empiété dans la forêt classée de Thiès. Il est alors clair que les parcelles concernées ne pourront trouver documents administratifs tels que le permis de construire, d’où l’intervention de la DSCOS avec 300 maisons détruites.
La première faute est venue de là. Comment lotir jusque dans une forêt classée ? Alors que selon l’article R 41 de la loi portant code forestier, les limites des forêts du domaine forestier de l’Etat sont matérialisées sur le terrain par tout moyen à la convenance du service chargé des Eaux et Forêts et permettant d’identifier clairement leur périmètre. Un bornage de chaque forêt est réalisé et un levé qui en constitue le plan de bornage est fait. A ce plan est annexé, un procès-verbal de bornage établi contradictoirement avec tous les riverains de la forêt. Chaque changement de direction de la limite doit être matérialisé par une borne sur le terrain. La borne ainsi utilisée doit être caractéristique des limites des forêts du domaine forestier de l’Etat et ne peut être utilisée qu’à cet usage.

Tel que préciser par l’article, ce plan doit être disponible au niveau de l’administration forestière car les zones classées sont placées sous la responsabilité de cette dernière.
Il faut juste rappeler qu’un projet de lotissement ou extension de zone est toujours précédé par l’exécution d’un état des lieux qui renseigne sur les détails artificiels et naturels de la zone, les occupations actuelles et tout cela est bien référence en planimétrie (XY). Il rend compte de la situation initiale et permet d’évaluer les possibilités d’occupation futures.
La forêt classée étant bien délimitée selon la loi (Article R 41), une superposition de cartographie pouvait permettre de limiter l’extension de la ville et savoir dès le départ que les 92 ha voulus allaient empiéter sur les terres de la forêt classée inapte à l’habitation. Seuls un disfonctionnement, une documentation insuffisante ou l’absence de données spatiales peuvent aboutir à une erreur pareille.
Il n’y a qu’une solution, déclassifier les 67 hectares telles que promis par le chef de l’Etat en 2017. Malheureusement après cette promesse, des profiteurs ont usé de cette maille au vu et su des autorités pour amorcer l’estocade avec 38 hectares supplémentaires dans la forêt classée.
Qui a osé vendre ces terres classées ? Un foncier de surcroît inaliénable ? Elles sont un bien commun à toute la nation. Comment ses populations ont bénéficié de ces terres ? Quelle chaîne de responsabilité doit-on situer et sanctionner sévèrement ? Il faudra s’attendre à l’annonce de chiffres beaucoup plus importants.
Il urge de déclassifier les terres afin de permettre à ces populations d’avoir un droit d’usage et de mise en valeur sur ces terres occupées. A défaut, il faudra les reloger pour compensation. Cette solution s’avère plus onéreuse.
Ce ne serait pas la première fois que l’on déclassifierait car 650 ha ont été défalquées de la forêt classée de Diass pour la création de la zone économique spéciale intégrée (ZESI), et en particulier pour la réalisation de l’aéroport international Blaise Diagne par le décret 2007-1336 du 6 novembre 2007 portant déclassement de partie de la forêt classée de Diass après avis favorable de la commission régionale de conservation des Sols (CRCS) dirigée par le gouverneur.
Cette déclassification pour motif d’intérêt général est permis par l’article R 39 de la loi portant code forestier : le déclassement d’une forêt ne peut intervenir que pour un motif d’intérêt général ou de transfert des responsabilités de l’Etat en matière de gestion forestière au profit d’une collectivité locale qui garantit la pérennité de la forêt.
Enfin, il faut rapidement déclasser pour changer ces terres de statut et les insérer dans le titre foncier communal et les attribuer aux occupants. Il y va de l’intérêt supérieur de la Nation, car stopper la saignée de la forêt en pensant aux générations futures est un enjeu économique et environnemental pour la reproduction normale de notre écosystème.

Tout est planification !!!

Par Babacar FAYE, Ingénieur géomètre-Topographe, Membre du secrétariat national aux opérations électorales de PASTEF, Sous-secrétaire national chargé de l’infrastructure et du suivi des opérations électorales

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