S’il y a une certitude, c’est le rejet catégorique de toute forme de domination par les populations thiessoises. Leur ADN est par nature anti-conformiste. Si le Sénégal est l’un des rares États africains post-coloniaux à avoir un passif riche en contestations, la capitale du rail en est son épicentre. C’est l’Histoire même qui le prouve. N’oublions pas que c’est dans cette même contrée que, durant l’époque précoloniale, Amary Ngoné Sobel devient damel en rompant la vassalité du Cayor vis-à-vis du Bourba Djolof en 1549. C’est également dans ces lieux que le dernier damel, notre héros national, Lat-Dior Ngoné Latyr Dior résista par les armes contre l’établissement colonial jusqu’à trouver la mort en plein champ de bataille. Que dire alors des cheminots tués en 1938 pour l’avancement des droits syndicaux au Sénégal malgré l’oppression coloniale. Ah Thiès ! La ville de la soit-disante jeunesse malsaine( pour reprendre les propos du président Abdou Diouf ) s’est toujours illustré de par son caractère rebelle. Les thiessois n’aiment pas la mouvance présidentielle vous diront plusieurs anciens dans une discussion politique. Il faut reconnaître à la cité du rail son implication manifeste dans les plus grandes luttes sociales et politiques de l’histoire de ce pays. Cependant, aujourd’hui, Thiès s’affiche plus que jamais comme une force silencieuse mais toujours indomptable. La constance a montré que depuis 2014 Macky Sall et ses acolytes de Benno Bokk Yakar y sont minoritaires dans les bureaux de vote. Malgré les efforts considérables investis dans le département, ils peinent toujours à obtenir un résultat proportionnel à leur investissement. Pourtant, de grandes figures de l’APR ont leurs « bases politiques » à Thies. Mais, pour la plupart, une victoire dans leurs propres bureaux de votes est devenu un exploit. Thierno Alasanne Sall, sous la bannière de la très forte mouvance présidentielle ( malgré les quelques frustrés de l’époque), n’avait pas réussi en 2014 à pousser vers la sortie l’inamovible Rewmi avec à sa tête Idrissa Seck qui venait de quitter la majorité présidentielle un an auparavant. Talla Sylla fut l’heureux gagnant de ses élections avec le choix porté sur lui à la ville par les conseillers.En 2019, avec des recrues phares (Talla Sylla rejoint la mouvance présidentielle) et une très grosse campagne, le candidat Macky Sall perd lamentablement une nouvelle fois à Thiès. Ni Ciré Dia, ni Docteur Ndiaye ou encore moins Abdou Mbow n’auront réussi, à l’époque, àdéboulonner Idrissa Seck dans le coeur des citoyens thiessois. « On ne déjeune pas avec le diable, même avec une très longue cuillère ». Ces mots de Raymond Barre, nous renvoie à la situation actuelle de l’homme de Thiès ( Nittu Thies), Idrissa Seck. En effet, son retour au sein de la majorité présidentielle lui a été fatale dans les élections locales de 2021. L’ ancien directeur de campagne et premier ministre d’Abdoulaye Wade avait opté pour un entrisme au sein de Benno quelques mois plutôt. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Thiès ne suit pas son ancien propriétaire et reste constant dans son opposition contre Benno. Les législatives qui se présentent quelques mois plus tard confirment le reniement de Rewmi par Thiès qui, une nouvelle fois, n’accepte pas de manger le « Mburok Sow » ( malgré le bloc de tous les leaders). En prenant ces références électorales, on peut considérer Thiès – sans risque de se tromper – comme le bastion de l’opposition. Mais de quelle opposition ? Si entre 2014 et 2019 il était clairement établi que le contre-pouvoir du régime de Benno était incarné par le Rewmi, la situation actuelle est un peu plus indécise. Yewwi peut-être ? En tout cas, pour les locales et les législatives à travers le discours de ses leaders nationaux, Ousmane Sonko notamment, ils auront réussi à augmenter le nombre de leurs sympathisants à l’élection des représentants de la coalition à Thiès ( les deux visites de Sonko pour les deux campagnes sont révélatrices). Cependant qu’en est-il actuellement du leadership local ? À cette question, nous répondrons par : Rien. Sans risque de nous tromper, nous affirmons que Thiès est une chaise vide ! Personne ne s’impose réellement sur le plan local comme le canalisateur de l’électorat thiessois depuis l’avènement de la chute d’Idy . Certains pourraient penser que la victoire durant les dernières législatives de Yewwi sans un gros investissement de Babacar Diop , serait synonyme de leadership de Pastef sur les lieux. Ce qui est faux. Pastef ne travaille pas assez à Thiès. Son coordonnateur départemental, qui plus est, numéro 2 du parti peine à exister. Personnellement , Birame Souleye Diop n’est maire et député que par la baraka de Yewwi pour ne pas dire d’Ousmane Sonko. Nous doutons fort que sa seule personne, épaulée par l’appareil Pastef-Thies puisse inciter les thiessois à adhérer massivement à l’idéologie pastéfienne. D’ailleurs même pour des activités politiques autorisées ( manifestation par exemple) il peine à mobiliser une forte foule. Les thiessois ne le connaissent pas assez alors qu’il est président du groupe parlementaire de la plus grande liste de l’opposition. Le silence des thiessois sur la dernière lutte des sénégalais pour la defense de la démocratie et des libertés individuelles ( avec le prétexte de la condamnation de Sonko) montre la faible activité de Pastef à Thies.Dans l’opposition, s’est aussi illustré Babacar Diop de par son élection à la tête de la mairie de la ville sous les couleurs de Yewwi. Le brillant professeur de l’UCAD adepte et habitué des luttes politiques est à peine mieux que Birame en terme de popularité à Thies. Son parti FDS/Guelewards est encore au state embryonnaire. À Thiès, on ne sent pas réellement son expansion même s’il était le mieux connu des candidats de Yewwi-Thiès. Lui aussi a bénéficié de l’élan nouveau de la coalition et du dépit des thiessois vis-à-vis du pouvoir actuel afin de conquérir la municipalité. La preuve, même sans lui sur la liste départementale, Yewwi gagne les législatives. Mais force est de reconnaître que Babacar s’installe progressivement dans le cœur des thiessois qui lui témoignent satisfaction sur son début de mandat ( ses réalisations jouent pour lui) . Pour nous , il doit juste éviter certains pièges dans sa communication pour ne pas faire passer son discours pour de la comédie chez la majorité des sénégalais ( le discours est essentiel pour un homme politique) et travailler plus sur l’élargissement de son parti. Dans cette nouvelle lutte pour la capitale du rail, PUR y joue aussi son rôle. Mamadou Djité s’est retrouvé à la tête de la grande commune de Thiès Ouest. Un symbole sur la partage équitable du département actuellement entre différents acteurs de la nouvelle classe politique ( non-classique). PUR s’est doté d’un très bon appareil politique mais ne dispose pas des profils qu’il faut pour la conquête définitive de l’électorat rebelle de Thies( la sociologie de la ville).S’agissant des partis classiques de l’opposition, il y a un problème de renouvellement. Le PDS continue à peine d’exister à Thies. Les quelques leaders qu’on pouvait y identifier ont rejoint majoritairement le pouvoir( même si avant leur transhumance, il leur était difficile de convaincre les thiessois – Exemple Mansaly). Tahawou Senegal n’y a pas une forte représentation. Ils ne réussissent pas à incarner le socialisme à Thiès alors que le PS n’y existe presque plus ! Finalement, Thiès n’adopte pas encore un fils prodigue en remplacement à Idy (une occasion pour ce dernier de reconquérir sa ville peut-être ? Nous ne pensons pas cette éventualité possible). Entre un pouvoir désavoué et des partis de l’opposition sans grosse activité sur le territoire, Thiès ne se fie plus à grand chose si ce n’est son opposition confirmée. L’opposition (principalement Pastef et FDS/ Guelewars) devra travailler d’anvatage sa posture si elle veut avoir un jour le même statut que Rewmi à occuper à Thiès il y a quelques années. Thierno Alassane Sall aurait pu être une alternative à Idrissa avec sa dimension nationale, mais il peine toujours a s’affirmer comme le numéro 1 à thies pour un ancien candidat à la présidentielle depuis 2019. Il a été le grand perdant des dernières élections locales et législatives. C’est notre conviction !Au sein de Benno, il existe des profils appréciés des thiessois à l’image d’Ablaye Dieye. Mais, son appartenance partisane lui est défavorable. Ça ne risque pas de changer tant qu’il défendra les couleurs marron et beige. Thies est important sur la carte électorale du Sénégal. C’est pourquoi les partis et les hommes politiques devraient travailler d’avantage pour s’y affirmer. Mais ils devront travailler surtout à proposer une offre pertinente pour l’adhésion en masse des thiessois. Un sentiment de trahison fait souffrir les thiessois depuis l’avènement de la transhumance de Idrissa Seck. Beaucoup ne l’ont pas supporté ! Ce qui explique la posture de la ville actuellement dans ce contexte politique tendu. Il faudra du génie et un travail consistant pour devenir la nouvelle voix audible de Thies.In fine, Thiès diffère des autres foyers contestataires historiques du Sénégal. Elle suit sa propre logique. Car, ni la mouvance présidentielle, ni les partis des « oppositions » ou encore moins les organisations de la société civile n’ont la capacité de canaliser cette force revendicative. Thiès reste le guide de sa propre récalcitrance. Même si un capitaine vient à abandonner le navire, le cap sera toujours maintenu.
Babacar Diongue et Sidy Yakhya Thioye, Des thiessois concernés par les affaires de leur Cité !