Cédéao et Uemoa sanctions Mali Assimi Goita.

La CEDEAO : vers une typologie révoltante des coups d’État ? (Brahima Traoré)

L’envolée lyrique suivante du philosophe grec de l’Antiquité, ANACHARSIS, est parfaitement saisissante pour mieux comprendre le fond de la réalité à démontrer ici.

En effet, « les lois sont comme des toiles d’araignées : assez fortes pour tenir les faibles, mais trop faibles pour tenir les forts ». C’est autant dire, sans aucun risque de démenti, que les textes de la CEDEAO ne sont ni plus ni moins que des « toiles d’araignées ». Eh bien, pour s’en convaincre, il suffit de constater l’application à géométrie variable desdits textes à des situations juridiquement identiques, à savoir : les coups d’État au Mali, en Guinée et au Burkina.

Sans conteste, on sait qu’un coup d’État reste un coup d’État, en dépit de son lieu de commission, c’est-à-dire malgré l’État dans lequel il l’a été. Aussi et surtout, on n’est pas sans savoir que les États membres de la CEDEAO sont juridiquement égaux en droits et en devoirs. Mais, paradoxalement, il reste que la CEDEAO fait preuve d’une application différenciée, voire discriminatoire de ses règles, et ce, en violation flagrante de ce principe élémentaire suivant : « à situation égale, traitement égal ! »

À l’analyse donc de cette politique de deux poids, deux mesures, née de l’instrumentalisation des textes communautaires, il en résulte, à tort bien évidemment, une typologie révoltante des coups d’État. Les uns, à l’instar de celui du Mali, seraient d’une extrême gravité, d’où le recours à des sanctions maximalistes (embargo, avec son cortège de gel des avoirs, d’interdiction de transactions commerciales et financières, d’interdiction de voyage, de suspension du pays aux instances de l’Organisation, etc.). Les autres, à l’exemple de ceux de la Guinée et du Burkina, seraient plutôt d’une moyenne gravité, d’où le choix de sanctions minimalistes (suspension du pays dans les instances de la CEDEAO).

Qu’en est-il donc des critères d’appréciation d’une telle typologie ? Il semblerait que certains coups d’État, de par l’attitude de leurs auteurs, seraient de nature à donner des gages de confiance à la CEDEAO : « des coups d’État gagés » ! Par contre, d’autres coups d’État, en raison de l’action de leurs auteurs, ne donneraient pas de garanties à la CEDEAO : « des coups d’État non-gagés » ! Ce semblant de distinguo, à tout le moins, est le reflet d’une indignation sélective, dont les chefs d’État font montre. Tantôt, ils sont animés d’une cruauté inouïe à l’égard de certains peuples (le peuple malien notamment), tantôt ils sont doux comme un agneau à l’égard d’autres peuples.

Le choix de l’approche maximaliste des sanctions contre le Mali et de l’approche minimaliste contre le Burkina et la Guinée dénote du mépris et de l’affront envers le peuple malien, au point qu’on s’interroge. Le Mali serait-il devenu la risée des chefs d’État de la CEDEAO ? Ou encore, les Maliens seraient-ils devenus les damnés de l’espace ouest-africain ? Ou alors, le mur (le Mali) est-il autant fissuré au point que le lézard (les chefs d’État de la CEDEAO) y pénètre de manière aussi maléfique qu’on a pu le voir ? S’agit-il, au contraire, d’une main invisible de l’extérieur qui attise le feu ?

Ici, l’hypothèse de la main invisible, notamment française, explique mieux l’attitude incongrue, dérisoire et condamnable des chefs d’État de la CEDEAO à l’égard du peuple malien. D’ailleurs, les leçons d’un tel comportement inconséquent et inconvenant sont à tirer aussi bien par le Mali que par les dirigeants en cause. Car, à chaque fois que l’échec de la gouvernance, du fait du politique, se traduit par la résurgence du militaire à la tête de l’État, le soutien populaire ne saurait être logiquement condamné, encore moins punissable, en ce sens que la logique juridique s’en trouve brouillée.

En définitive, il convient de retenir que la sanction juste et proportionnelle contre un coup d’État militaire reste d’ordre politique, et non économique, puisqu’il s’agit là d’une remise en cause de la légalité des autorités de fait, et non d’un acharnement contre un peuple qui en pâtit déjà les conséquences de la mauvaise gouvernance du fait des politiques, lesquels sont justement à la tête de la CEDEAO.

Cette organisation a intérêt à comprendre que la problématique actuelle de la résurgence du militaire, en lieu et place du politique, est moins une question de boulimie du pouvoir des militaires qu’un échec de la gouvernance des politiques. C’est pourquoi elle gagnerait mieux en sanction de la mauvaise gouvernance qu’en action de sapeur-pompier contre les coups d’État militaires. Car la fumée étant liée au feu, si l’on arrêtait d’attiser le feu, l’on parlerait plus de fumée ! Sinon, que dire surtout des coups d’État constitutionnels, ou du moins de l’instrumentalisation de la constitution à des fins personnelles ou suivant des velléités présidentialistes ?

TRAORÉ Brahima,
étudiant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal

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