Visite de Boubacar SEYE : « noo lank » fait une déclaration et pose le débat sur l’émigration clandestine…



Noo lank a tenu une rencontre d’échanges avec M. Boubacar SEYE, Président d’Horizons Sans Frontières, qui a eu le mérite de poser le débat sur l’immigration clandestine et l’utilisation des fonds de l’union européenne accordés au Sénégal. Malgré ces financements, le Sénégal a connu la tragédie de 500 sénégalais morts en mer. En sus, de plus en plus de pêcheurs font partie de la vague des immigrants clandestins par la mer, du fait de la baisse de leurs activités. Ce qui pose le problème des accords et licences de pêche aux bateaux étrangers qui nous font
perdre plus de 300 milliards FCFA/an, dont la moitié au titre de la pêche illégale et le reste en pertes de revenus qui vont aux bateaux européens, chinois, russes qui détiennent des licences.
Sur les fonds de l’UE, le président Macky Sall dit que l’UE n’a pas donné de crédit au Sénégal sur la migration, c’est une affabulation, une mauvaise information… c’est de la diffamation.
Or, en termes de concours financiers de l’UE pour le Sénégal, rien que pour le programme de résilience sociale en 2020 (PRES), décrété pendant la pandémie, l’UE affirme avoir accordé au Sénégal 100 milliards. Ensuite les fonds évoqués par le président de HSF correspondent bien à une liste de projets menés au Sénégal par l’UE, en relation avec les structures de l’Etat, la
société civile et le secteur privé. Cette liste, disponible pour la presse, permet de constater qu’il y a 176 400 000 € inscrits pour le Sénégal, soit 115 542 000 000 FCFA. Ces projets sont orientés sur la migration avec des volets promotion du secteur privé, formation et emploi des jeunes, lutte contre le trafic de migrants, appui au retour des immigrés, sécurité. Ces projets sont en cours depuis 2016 au Sénégal avec des structures de l’Etat partenaires dans leur mise en œuvre d’ailleurs : Les agences régionales de développement, l’ADPME, le 3FPT, l’ONFP, le bureau de mise à niveau. Comment le président peut-il ignorer cette réalité ? Sur les accords de pêche avec l’UE, nous rappelons avoir constaté leur illégalité manifeste parce qu’ils n’ont pas été présentés à l’assemblée nationale, en conformité avec l’article 95 de la constitution qui l’exige pour tout engagement international. Nous demandons pourquoi, même avec une majorité parlementaire, l’accord n’a pas été présenté à l’assemblée par le gouvernement ? Nous demandons aussi à l’union européenne si elle savait ou non que l’accord n’a pas été ratifié et était donc non valide, non applicable. Elle pourrait être poursuivie en réparation de dommages. Les revenus de la pêche générée par ses bateaux sur nos mers,
de 2014 à 2020, s’élèveraient à plus de 1500 milliards FCFA, à raison de 250 milliards par an. En faisant la déclaration que l’Etat du Sénégal n’a reçu aucun crédit de l’UE, devant les représentants de l’UE et du chef du gouvernement espagnol, le président a remis en question l’action de l’UE au Sénégal. En y ajoutant la question des accords de pêche, qui nécessite une réponse urgente, on comprend l’empressement des dirigeants de l’UE à lui
parler directement. Ce n’est pas une mauvaise chose de poser les vrais problèmes sur la table. Ces deux questions seraient-elles à l’origine de la décision du président de se rendre brusquement à Bruxelles dès ce lundi pour rencontrer les dirigeants de l’UE pendant 2 jours ? C’est fort probable, vu leur importance et le fait qu’elles engagent la responsabilité directe du président. Comme nous le savons, le président avait annoncé sa rencontre avec les élus de sa coalition ce dimanche. Mais finalement il est parti dimanche, sur invitation expresse du président du conseil européen. Dans tous les cas, nous attendons de ce voyage que les questions évoquées soient clarifiées pour les sénégalais et invitons la presse à l’interpeller directement à son retour pour informer. Si le président Macky Sall estime que l’action de l’union européenne n’aurait d’efficacité que si l’argent de l’UE pour lutter contre l’immigration passe directement par sa remise au gouvernement à travers un crédit, il devrait le dire clairement et interdire aux structures de l’Etat de participer à la mise en œuvre des projets et financements de l’UE. Autrement, si lui et ses services ont validé le programme d’intervention de l’UE avec la participation de ses structures concernées, alors, il devrait assumer que l’UE a bel et bien financé la lutte contre la migration clandestine. Nous comptons distribuer le document portant sur les différents projets de l’UE à la société civile et aux sénégalais, et attendons le rapport du gouvernement qui tarde à être produit.

Enfin, nous avons noté parmi les projets menés par l’UE, un projet particulier pour l’identification des sénégalais par Civipol, opérateur du ministère de l’intérieur français. Ce projet d’appui à l’état civil s’accompagne de l’identification biométrique des sénégalais. Nous pensons que cela vise à identifier les immigrants clandestins potentiels à partir des zones de départ identifiées afin de disposer de leurs coordonnées civiles et biométriques pour pouvoir les rapatrier s’ils n’ont pas de papiers à leur arrivée. C’est une préoccupation légitime pour l’UE que de développer les moyens techniques d’identifier les immigrants, mais le hic est que ce projet est confié à un opérateur du ministère de l’intérieur français, Civipol, en relation avec une structure belge, Enabel. Les données personnelles biométriques et celles de l’Etat civil sont des données personnelles et sensibles.

Quelle est la responsabilité et l’implication de nos services de sécurité dans ce projet ? A qui profite ce projet ? A l’union européenne dans sa lutte contre les immigrants sans identité ou à l’Etat, aux populations et collectivités locales qui sont approchés par pour faire l’identification biométrique des sénégalais et avoir leur état civil ? Nous posons ces questions.
En conclusion, ensemble, nous estimons avoir fait notre devoir d’informer les Sénégalais sur les accords de pêche et les financements de l’UE pour la migration et l’emploi des jeunes. Il appartient maintenant aux acteurs sectoriels concernés de prendre leurs responsabilités face à l’Etat. En particulier, Noo Lank ne peut se substituer aux acteurs de la pêche pour demander la suspension des accords illégaux. Les acteurs sectoriels doivent prendre la parole. C’est aussi aux populations bénéficiaires affectées par les financements de l’UE de prendre la
parole pour dire si les projets réalisés sont utiles et efficaces pour les jeunes dans les zones de départ touchées par l’immigration.

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