De l’asphyxie à la résurrection démocratique (Par Baba DIENG)

De l’asphyxie à la résurrection démocratique (Par Baba DIENG)

Les vicissitudes sont consubstantielles à l’établissement d’une démocratie. Les acquis démocratiques ne sont jamais figés, ils s’éclipsent et se requinquent. Notre construction démocratique est arrivée, sans aucun doute, au point névralgique et pathologique de son évolution. Les tribulations qui ont jalonné notre cheminement démocratique, quoique importantes et subversives, ont laissé à notre démocratie une once de survie et de subsistance à l’idéal dont nous avons laissé tant d’âmes. Ces périodes sont charnières et déterminantes. Elles imposent un CHOIX à faire. Plusieurs pays où la démocratie germait ont succombé face aux tribulations démocratiques subversives et destructrices. Par léthargie, insouciance ou crainte insensée, la démocratie s’est fanée à jamais sous le soleil brûlant de l’autoritarisme. La recherche de l’idéal ne doit pas être perdue de vue, elle doit guider toutes les révolutions engendrées par cette cause dans une perspective de ré-trocession démocratique.     

Les actes codicillaires contre notre contrat démocratique, posés depuis l’alternance de 2012 et qui torpillent la démocratie, ne sauraient faire l’objet d’aucune prétention à une quantification exhaustive. L’arrestation des journalistes au dessein de les intimider, les scandales financiers, la patrimonialisation de l’argent public, l’injustice sociale, l’impunité, les corps de contrôle qui ont démissionné en cédant leur prestance au Prince, le regain autoritaire, l’interdiction systématique de manifestations, les arrestations musclées, autoritaires et illégales d’opposants, le rétrécissement de l’espace des libertés publiques, les menaces qui planent au-dessus de la liberté d’expression, la peur collective savamment inoculée dans les casuistiques des Sénégalais, la « stratégie gouvernementale de la terreur », les fermetures récurrentes des télévisions jugées hostiles au gouvernement (ce qui est une très mauvaise image dans une démocratie), l’instrumentalisation de la justice, les velléités d’irrespect des règles constitutionnelles qui sont les soubassements et charpentes de notre société : toutes ces persécutions de la démocratie attestent son état de putréfaction. La série de dépossession de nos acquis démocratiques, glanés dans les géhennes de tumultueuses belligérances, est devenue une ritournelle, que nous devons arrêter. Il n’est plus un secret de polichinelle pour personne que la substance de notre démocratie est fortement affligée dans toutes ses aspérités. Des appuis empiriques et factuels nous permettent de corroborer, avec beaucoup d’amertume et de consternation, cette régression dont même l’imagination nous semblait saugrenue il y a une décennie.    

L’heure n’est plus à la constatation de l’état en capilotade de notre démocratie, mais à la prise de conscience des défis et responsabilités collectifs qui pèsent sur chaque sénégalais à veiller en toute sollicitude à la démocratie. Cette dernière est une composante endogène de notre identité sénégalaise qu’il faut ensevelir avec les cordelettes du patriotisme et de l’engouement démocratique.

Il ne s’agit pas de nous laisser déposséder la capacité de configurer notre destin démocratique collectif. La démocratie fait partie de notre patrimoine politique et culturel, nous avons beaucoup œuvré, à travers les régimes successifs, à la remodeler, à l’anoblir, à la solidifier et à l’adapter par rapport à nos réalités. La recherche d’une démocratie adaptée aux aspirations ponctuelles de notre pays s’est inscrite dès lors sur nos ornières politiques. Elle a connu des vicissitudes, des tribulations et vacillements dans son évolution, mais elle a toujours su ensevelir sa substance de la corrosion démocratique. Jamais, dans l’histoire du Sénégal démocratique, notre démocratie est arrivée à un stade où ses principes fondamentaux et sacro-saints sont lorgnés, voire condamnés à la décrépitude morale, éthique et spirituelle. 

Dans ses moments inextricables, la démocratie, au nom de l’idéal et de l’engagement de ceux qui aspirent à cet idéal, se ressuscite dans une ferveur de renouveau. C’est une « révolution démocratique » (pour reprendre l’expression de Francis FUKUYAMA) nationale. Cependant cette résurrection démocratique n’est ni fortuite ni fataliste. Elle résulte d’une agrégation de plusieurs forces vives et insubmersibles animées par une « fierté irréelle » (FUKUYAMA) en leurs institutions démocratiques, à l’histoire politique partagée et présagée. La démocratie sénégalaise peut et doit re-naître, avec notamment des révolutions électorales et sociales, pour retrouver sa consistance d’antan.

Baba DIENG,
Étudiant en Sciences juridiques et politiques à l’UGB/Sénégal

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