image de jeunes noirs devants des ordinateurs.

Histoire : Idrissa SECK, pionnier de l’Internet au Sénégal ?

Le Sénégal a commencé à se connecter à l’Internet à la fin des années 80, grâce à l’installation des deux premiers systèmes de messagerie électronique du pays, lancés par l’ORSTOM (devenue IRD — Institut de Recherche pour le Développement), et l’ONG Environnement et Développement du Tiers-monde (ENDA-TM).

L’ORSTOM et l’expérience du Réseau Intertropical d’Ordinateurs (RIO)

L’ORSTOM (aujourd’hui IRD) a été à l’origine de la première grande initiative au Sénégal. En effet, c’est en 1989 que le centre de recherche scientifique ORSTOM met en place un système de messagerie électronique appelé le Réseau intertropical d’ordinateurs (RIO, rebaptisé Réseau intertropical d’ordinateurs) pour améliorer la communication entre ses laboratoires et relier ses chercheurs à la communauté scientifique internationale sur Internet.

Ce réseau est basé sur des stations de travail Sun et le protocole UUCP (Unix to Unix Copy), avec une structure en étoile organisée autour d’un nœud central situé à Montpellier. Le trafic est acheminé via les réseaux X.25 (assuré au Sénégal par SENPAC) et le nœud de Montpellier fait office de passerelle entre l’ensemble du réseau UUCP et Internet.

Grâce à l’utilisation des supports de télécommunication (RTC et X25) existants et à des couts de raccordement abordables, les organismes de recherche sénégalais ont pu bénéficier des services du RIO. Les partenaires de l’ORSTOM au Sénégal sont très tôt associés à l’extension du RIO.

En juin 1989, le premier nœud UUCP du Sénégal est installé au Centre de Recherche océanographique de Dakar-Thiaroye par Hervé Chevillotte et Marc Souris, deux informaticiens de l’ORSTOM, reliant ainsi le Sénégal à Internet via le réseau RIO. Le système installé à Thiaroye est une station Sun-3/260C avec 600 Mo de disque dur, raccordée à une liaison X.25 du réseau SENPAC (l’appellation commerciale du réseau sénégalais X.25).

En ce qui concerne les services proposés, la messagerie électronique est disponible en tout temps, tandis que des services tels que TELNET et FTP peuvent être fournis sur demande via IP. Des solutions ont été élaborées pour permettre aux utilisateurs équipés d’un ordinateur et d’un modem à distance d’accéder au système.

Ainsi, l’extension de RIO s’est poursuivie avec les Universités de Dakar, de Saint-Louis, les Écoles d’ingénieurs (ENSUT, ENEA), l’Institut Pasteur, le Centre de suivi écologique et autres organismes (agence de presse, ONG, etc.).

 Le réseau RIO compte jusqu’à 300 utilisateurs et servira de fournisseur d’accès à la communauté scientifique au Sénégal jusqu’en 1995/1996.

APC, ENDA et le réseau FidoNet

En 1990, l’Association for Progressive Communication (APC) conçoit un système de messagerie électronique de type « store and forward » basé sur le protocole FIDO pour faciliter la communication entre ses membres. Ce système est résistant et peut être utilisé dans les pays en développement avec un simple micro-ordinateur de type PC AT fonctionnant sous MS-DOS © et un modem V.22. Une dizaine de passerelles, en général situées dans les pays du Nord, permettent l’échange de courrier entre FidoNet et l’Internet. GreenNet, la branche britannique d’APC, installe la passerelle FIDO pour l’Afrique à Londres (Grande-Bretagne). En juin 1992, Doug Ribgy coordonne un atelier d’une semaine pour présenter FidoNet aux ONG sénégalaises. Moussa Fall, d’ENDA, est parmi les participants et manifeste un grand intérêt pour la messagerie électronique. Il en parle à son directeur qui décide d’installer FIDO.

ENDA alloue une ligne téléphonique pour le système de messagerie électronique et décharge Moussa Fall de ses tâches habituelles afin qu’il puisse superviser le système. Sur la base de ces engagements, D. Rigby choisit ENDA pour héberger l’un des quatre nœuds d’Afrique de l’Ouest. En août 1992, Moussa Fall configure le premier nœud FIDO du Sénégal. Il s’agit d’un PC 386 équipé du logiciel FrontDoor™ et d’un modem Telebit V.32 qui se connecte sur la passerelle de Londres. Le nœud d’ENDA sert ensuite de relais de messagerie pour d’autres sites FIDO localement. Grâce à l’enthousiasme de Moussa Fall, ENDA connectera plus d’une centaine d’utilisateurs au Sénégal, principalement des ONG, mais aussi des services gouvernementaux et des particuliers.

L’entrée en scène de l’opérateur public de télécommunication (Sonatel)

Entre 1989 et 1995, Internet était encore limité à un petit nombre de privilégiés, principalement des chercheurs, des enseignants supérieurs, des ONG et quelques branches gouvernementales. Bien que les systèmes de messagerie existants aient connu une certaine croissance, les choix techniques fondamentaux sont restés inchangés.

Ce retard dans la démocratisation d’internet trouve sa source dans la position du seul opérateur de télécommunication du pays. La SONATEL était en position de monopole sur les réseaux de télécommunication publics et ne proposait pas de service IP jusqu’en 1995. Elle ne s’intéressait pas à Internet, même si elle était régulièrement interpellée pour le connecter.

Cependant, en 1995, plusieurs facteurs ont contribué à modifier son attitude, notamment l’explosion de l’Internet dans les pays du Nord et une série de conférences qui ont permis au grand public sénégalais de découvrir le Net. En avril 1995, le gouvernement sénégalais a demandé à la SONATEL de connecter le pays à Internet après que M. Idrissa Seck, ministre du Commerce de l’Artisanat et de l’Industrie, a assisté à des démonstrations Internet à Washington.

Le mois suivant (mai 1995), à l’occasion du Troisième sommet Africain- Américain qui se tient à Dakar, une étape majeure est franchie. La Délégation à l’informatique a profité de l’occasion pour orchestrer une opération médiatique réussie en demandant à Omnes Cable and Wireless de connecter le Sénégal à Internet pendant le sommet. Un lien VSAT de 64 Kbps a été installé au Centre international du commerce extérieur du Sénégal (CICES) pour cette occasion. Tout au long de la semaine du sommet, responsables politiques, économiques et visiteurs ont eu la chance d’assister à ce qui est considéré comme la première démonstration publique d’Internet au Sénégal. Cette initiative a été une réussite incontestable pour la Délégation à l’informatique. Cet événement a poussé la SONATEL à annoncer son intention de connecter le pays à Internet dans les mois qui ont suivi.

En avril 1995, la Sonatel rédige un cahier des charges pour la mise en place d’un point d’accès à Internet, lance un appel d’offres en juillet et retient la proposition d’Omnes en décembre. En mars 1996, l’accès grand public à Internet devient opérationnel au Sénégal. Le pays compte environ une dizaine de fournisseurs d’accès Internet (FAI) qui se connectent en amont à la Sonatel. Parmi les acteurs commerciaux se trouvent des sociétés de services informatiques telles que Arc Informatique et Silicon Valley, la SONATEL via sa filiale Telecom-Plus, mais aussi de nouveaux venus comme Métissacana (qui a cessé ses activités de FAI en mai 2002). La concurrence a été rude les premières années avec des réductions de prix successives. Les premiers forfaits étaient facturés entre 15 000 et 30 000 FCFA pour une dizaine d’heures de connexion et les heures supplémentaires en sus. En 1998, les FAI ont adopté un forfait d’environ 10 000 FCFA pour un temps de connexion illimité.

Sources :

  • SAGNA Olivier, BRUN Christophe et HUTER Steven, Historique de L’Internet au Sénégal (1989-2004) [en ligne], Eugene, University of Oregon Libraries, 2013, 73 p., [consulté le 16 novembre 2021].
  • FIANYO Edem, CORENTHlN Alex et CHEVILLOTTE Hervé, « Les réseaux de communication au Sénégal : l’expérience du R.I.O. » Dans African conference on research in computer science, Tankoano Joachim Et Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique (France) (dir.), Actes du 2e Colloque africain sur la recherche en informatique, Ouagadougou, Burkina Faso, du 12 au 18 octobre 1994, Paris, ORSTOM Editions, 1994, 988 p.
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